Annuaire français de relations internationales (AFRI) 2004, Volume 5
Sous la direction de Serge Sur et Jean-Jacques Roche, Centre Thucydide, Paris, Editions Bruylant, Bruxelles, 2004, 1082 pages, 125 €
L’AFRI est un recueil d’environ 70 articles d’auteurs francophones spécialisés dans les recherches internationales (politiques, économiques, technologiques et culturelles), subdivisé en 15 thèmes. Le tout augmenté d’une chronologie de l’année 2003 et d’une bibliographie. Ces textes, de hauts niveaux, donnent un bon aperçu de la recherche académique en relations internationales, dans une présentation de belle qualité. Les sujets transversaux sont de plus en plus abordés, comme l’indiquent certains titres : « Puissance et démographie : la nouvelle donne » ou « Le transrégionalisme, nouvelle frontière du régionalisme » ou encore « Les impuissances de la gestion globale »
RAMSES 2005
Les grandes tendances du monde
Sous la direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau-Defarges, Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Paris, Editions Dunod, Paris, 2004, 375 pages
L’édition 2005 du Rapport Annuel Mondial sur le Système Economique et les Stratégies (RAMSES) a toujours son haut niveau d’analyse et d’information, est toujours très soigné sur la forme, la mise en page, les cartes et les tableaux. Cette année, la première partie est consacrée à un seul grand dossier : « Les faces cachées de la mondialisation », sur plus de 150 pages, composé d’une douzaine de brillants articles géographiques et/ou thématiques. Ainsi, David Baran dans : « L’Irak au tournant du 30 juin 2004 : l’incertitude seule souveraine » nous donne-t-il à lire une excellente synthèse de la situation politique du pays. Une analyse sans concessions, ni pour les Américains ni pour l’ancien régime, mais loin des clichés récurant, comme l’auteur l’explique lui-même : « (…) Il y a là une confusion à souligner entre le débat portant sur le bien fondé de la guerre et le bilan concret de l’occupation » La seconde partie, dénommée « Repères », reprend les aspects classiques des annuaires, avec les rubriques par pays ou matières (« Panorama »), les cartes, les séries statistiques et la chronologie de l’année écoulée. Un outil indispensable, constant, agréable, et en français ! pour tous ceux qui s’intéressent aux relations internationales et à l’évolution de notre monde.
Les diplomaties parallèles
In « Enjeux internationaux » n°5 et 6, 2004, Bruxelles, pages 36 à 67
Les diplomaties parallèles, ce sont toutes celles qui ne sont pas directement du ressort officiel de la puissance publique des Etats. Jean-Paul Marthoz nous introduit brillamment dans l’histoire de cette part d’ombre du paysage changeant du monde. De bons spécialistes traitent ensuite différentes approches diplomatiques alternatives : le système suisse de bons offices, les régions d’Europe dont celle de la Wallonie et de la francophonie belge, la Communauté de Sant’Egidio, les fondations politiques allemandes, les évangélistes américains militant pour Israël… On regrettera que certains auteurs n’ont pas assez de distances critiques envers leur sujet mais c’est un excellent dossier dans l’ensemble qui démontre la nouvelle multiplicité et la complexité croissante du « Village global » A signaler, dans le même numéro, trois articles de fond : le point sur la Turquie au moment de sa demande d’adhésion européenne, la non-reconnaissance du génocide arménien et la question kurde. Enjeux internationaux : 47 avenue des Myrtes 1080 Bruxelles, www.enjeux-internationaux.org
Guide du maintien de la paix - Volume 2005
Sous la direction de Jocelyn Coulon, CEPES, Montréal, Athéna Editions, Outremont (Québec), 2004, 336 pages, 17,95 $
Bien conçu et utile, revoici le guide dans sa version de 2004 ; en effet, chaque guide est complémentaire au précédent, il ne le remplace pas. Coopération de divers auteurs francophones, neuf textes nous sont proposés, en majorité autour de problématiques africaines. Notons un texte de Michel Liégeois sur la régionalisation des opérations de M.P. Dans une deuxième partie, nous sont proposés des tableaux statistiques, une chronologie 1993-1994 et divers documents, suivis d’adresses web, d’une bibliographie et d’un index.
SIPRI Yearbook 2004
Armaments, Disarmament and International Security
Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), Solna, Oxford University Press, Oxford, 2004, 859 pages, 70 €
Voici enfin “le” SIPRI 2004, attendu comme un grand cru ! L’annuaire stratégique suédois est comme chaque année un rigoureux triptyque : la sécurité et les conflits armés y compris la recension des conflits armés majeurs ; les armements et les dépenses militaires ; la non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement. Le tout agrémenté de nombreux tableaux, annexes et chronologies. Les analyses originales sont cette fois encore nombreuses, comme par exemple : « The Iraq war : the enduring controversies and challenges » ou « National defence reform and the African Union » ou encore « Post-conflict justice : developments in international courts »
Transforming Ethnopolitical Conflict
Alex Austin, Martina Fischer, Norber Ropers (Eds.), Berghof Research Center for Constructive Conflict Management, Berlin, VS Verlag für Sozial Wissenschaffen, Wiesbaden, 2004, 473 pages
Cet important ouvrage collectif a pour objet les nombreux conflits internes aux Etats ou guerres civiles, apparus, de plus en plus nombreux, dans la période de l’après-Guerre froide, des années nonante à nos jours. Le titre générique de « conflit ethnopolitique » ne correspond donc pas toujours à leur diversité. Les contributions des auteurs les théorisent et apportent des définitions de la culture de paix, de la prévention du conflit et de sa gestion ; ils se veulent aussi précepteurs d’une méthode par la transformation positive, la reconstruction et la paix juste dans les sociétés post-conflictuelles.
Les ONG
Philippe Ryfman, La Découverte, Paris, 2004, Coll. Repères, 123 pages
Les organisations non-gouvernementales (ONG) sont très présentes dans l’actualité mondiale, mais finalement assez mal connues. Ce livre de poche se veut un guide des origines, de l’évolution et des perspectives des ONG, principalement dans les trois catégories généralement acceptées : développement et humanitaire, droits de l’homme, environnement.
Faut-il brûler l’ONU ?
Jean-Loup Izambert, Le serpent à plumes / Editions du Rocher, Monaco, 2004, 360 pages
Ce livre d’investigation est un brûlot contre les Nations unies, accusées d’être à la solde de puissances occidentales fauteuses de guerre. Il dénonce aussi une dérive des conditions internes de ses travailleurs. Faut-il éliminer le bébé pour ses origines, sans croire au progrès ?
Terrorisme : questions
Sous la direction de Henri Lelièvre, Editions Complexe, Bruxelles, 2004, Coll. Interventions, 263 pages
Venus de différents pays, les nombreux auteurs de ce volume se sont réunis du 14 au 16 mars 2003, au 13° Carrefour de la Pensée, au Mans. Politiques, journalistes ou universitaires, leurs interventions sont de natures différentes. Beaucoup sont des proches et des collaborateurs du journal Le Monde ou du mensuel Le Monde diplomatique, ce qui donne un ton assez européen, sinon français, à l’analyse. Ils se sont interrogés sur l’identité et la provenance des terroristes, sur leurs motivations et leur impact sur les populations musulmanes… Sont-ils influencés par la situation des Palestiniens ou y sont-ils indifférents ? Quel rôle joue la mondialisation dans leur comportement ? S’inscrivent-ils dans une « guerre des civilisations » ? Enfin, quelle sont les causes de cette violence et peut-on l’empêcher ?
Le théologien francophone Tariq Ramadan nous donne à lire le point de vue d’un « islamisme à visage humain » Il y dit condamner la violence terroriste actuelle tout en soulignant son terreau en sociétés non-démocratiques et la « terreur d’Etat » adverse ; il en réfute aussi la spécificité musulmane. Le politologue français Pascal Boniface pense, avec une certaine ironie, que les attentats de septembre 2001 en Amérique, dont il réfute « l’hyperterrorisme », n’ont pas suscité une rupture fondamentale dans une politique étrangère américaine déjà unilatérale auparavant. Une thèse en partie partagée par l’ancien ministre Hubert Védrine, inventeur du terme « d’hyperpuissance », qui pense que ce sont plutôt les évènements d’octobre 1989 en Allemagne et d’août 1991 en Russie qui ont marqué une rupture historique ; son intervention s’intitule « Affiner notre réflexion sur l’antagonisme Islam / Occident » Plusieurs auteurs s’interrogent sur les liens entre religions et violences, entre le retour du religieux et le terrorisme, ainsi que sur le terrorisme comme nouveau concept stratégique. Olivier Roy affirme quant à lui que « Al Qaida est en décalage avec le monde musulman ».
Etats-Unis. Une histoire à deux visages
Jacques Portes, Editions Complexe, Bruxelles, 2004, Coll. Interventions, 166 pages
Les Etats-Unis offrent facilement des images qui suscitent l’indignation, alors même que les raisons qui expliquent leur apparition peuvent avoir été estimables. Selon l’auteur, la contradiction américaine est dans les fondements mêmes de son histoire : société coloniale, esclavagiste et chrétienne fondamentaliste, elle s’est aussi affirmée par sa révolution démocratique, universaliste, et les droits de l’homme. Les Américains se vanteraient des bienfaits de leur démocratie – réelle dans ses fondements - alors qu’elle serait subvertie par l’emprise de l’argent et par une abstention chronique grandissante. C’est un honnête manuel d’histoire, malgré quelques formulations ambiguës et des tics de langages, comme l’usage excessif du terme « apories ». Sont abordées plus particulièrement le racisme, l’immigration, la période du New Deal et la période récente, ainsi que de façon moins convaincante, les relations internationales.
Désir d’humanité. Le droit de rêver
Riccardo Petrella, Editions Labor, Bruxelles, 2003, Coll. La Noria, 188 pages
L’auteur, professeur à l’Université catholique de Louvain où il enseigne la mondialisation, est surtout connu pour ses travaux au Comité international pour le Contrat mondial de l’eau et le livre « Le Manifeste de l’eau ». Riccardo Petrella, militant alter mondialiste modéré, nous propose ici un ambitieux projet alliant constats objectivés de l’état du monde et propositions politiques et philosophiques, proposées sous forme de « rêves » (- de justice et de solidarité, - d’une autre économie, - de la paix universelle, -de la démocratie, etc.) Il y a une dualité amusante entre les explications assez simplement exposées avec des chiffres et des schémas, comme dans un livre de cours, et le discours idéaliste, quasi-poétique ! L’auteur fait une fine analyse du système capitaliste et de l’impérialisme et a de l’inquiétude quant aux manipulations du vivant, ce qu’il nomme les rêves de puissance et de richesse, toutes choses issues de l’Amérique, selon lui.
Le livre suscite aussi deux interrogations. L’auteur a une vision globalement négative de l’évolution récente ou contemporaine du monde, il y voit peu de progrès et il se réfère de manière quasi-eschatologique à un âge d’or (le temps du droit de rêver), qui n’a sans doutes jamais existé. Ensuite, malgré des précautions oratoires, dès le début, sur : « une prétendue « ligne du bien et du mal » » et « deux univers qui sont en nous », on a la désagréable impression d’une vision manichéenne de l’humanité entre lui et ceux qui ne partagent pas tous ses idéaux, comme si d’aucuns avaient un désir d’inhumanité…
Religion et politique. Une liaison dangereuse ?
Sous la direction de Thomas Ferenczi, Editions Complexe, Bruxelles, 2003, Coll. Interventions, 255 pages
Vaste question. Selon le philosophe Marcel Gauchet, le retour du religieux vient dans l’émergence de la « société civile », en creux du recul des idéologies et de la puissance de l’Etat après la guerre froide ; mais le monde ne va pas pour autant revenir à la période millénaire du « tout religieux » de jadis. La religion, y compris en Europe, n’est donc plus absente du terrain de la politique. Alors que le temps de la guerre froide était celui des grands affrontements idéologiques, les multiples conflits qui déchirent le monde de l’après-communisme ressemble plutôt à des guerres de religions, ce qui n’est souvent qu’une impression, ou un label trompeur. Les nombreuses contributions de ce bel ouvrage font un petit tour du monde des croyances, y compris de la laïcité. Le livre est issu des débats du 14° Forum Le Monde, au Mans, en octobre 2002.
Des conflits en mutation ? De la guerre froide aux nouveaux conflits
Actes du colloque international de Montpellier, 6-9 juin 2001 organisé par le CNRS-CESID
Sous la direction de Danielle Domergue-Clarec et Antoine Coppolani, CNRS-CESID, Montpellier, Editions Complexe, Bruxelles, 2003, Coll. Interventions, 502 pages
Un clivage se dessine entre un monde relativement protégé de la guerre, mais non du terrorisme, où la notion de sacrifice suprême est de plus en plus mal accepté, et un Sud – pour schématiser – où règne la violence et où le sacrifice suprême est encore trop souvent de règle. Pour ces historiens, il n’y a pas de nouveaux conflits, mais le retour de formes de guerre que l’on croyait remisées aux magasins de l’Histoire. Le constat global est le suivant : la guerre a changé de formes au profit de guérillas urbaines ou rurales, de guerres de prédation avec tous les risques de pollution au plan, de l’environnement. Le primat du combat est le non-conventionnel. La trentaine d’auteurs couvrent cette période, s’attachant pour la plupart à décrire précisément un conflit interne au Tiers-Monde ou avec un pays du Nord et pour quelques-uns, à analyser un aspect plus théorique des relations internationales.
Chronique de l’ébranlement Des tours de Manhattan aux jardins de l’Elysée
Philippe Grasset, préface de Régis Debray, Editions Mols, Genval, 2003, Coll. Autres Regards, 463 pages
La première partie de ce livre rassemble les principales chroniques parues à partir de septembre 2001 dans la lettre d’analyse De Defensa, autour de la crise née de l’événement considérable que fut l’attentat contre les tours jumelles. La seconde partie de ce volumineux ouvrage propose une interprétation historique des événements décris, dans le cadre de la civilisation occidentale, de la naissance et du développement de l’Amérique, y compris le rôle singulier joué par la France, acteur de la crise suivante, avec les Etats-Unis.
Le sabre, la machette et le goupillon
Des apparitions de Fatima au génocide rwandais
Léon Saur, préface de Jean-Pierre Chrétien, Editions Mols, Genval, 2004, Coll. Autres Regards, 447 pages
Auteur traditionnel de textes qui « font avancer la conscience humaine », l’Eglise catholique romaine continue néanmoins de se compromettre régulièrement dans la compagnie de personnages et de régimes qui n’ont rien ni d’évangélique, ni même d’humaniste. Ayant comme fil conducteur le « royaume chrétien » du Rwanda, l’auteur nous entraîne à travers le vingtième siècle « noir » de l’institution religieuse. De la dénonciation du soutien aux dictatures « chrétiennes », et il y en a eu d’autres, en passant par la critique du conservatisme en matière de mœurs, de théologie, du retour du concept de Satan, de certains mouvements sectaires, etc., le livre est un plaidoyer pour une nouvelle modernisation. Léon Saur lui-même a un parcours intéressant : homme de la gauche belge et responsable des relations internationales du Parti social-chrétien, il a vivement critiqué le soutien jusqu’au-boutiste de la France, du Vatican et des partis démocrates-chrétiens au régime rwandais « idéal », lesquels ont nié puis minimisé le génocide même, exfiltré des criminels… Jean-Pierre Chrétien, grand historien français spécialiste de l’Afrique, lui aussi très critique, apporte sa caution intellectuelle à cet ouvrage fort.
Le Mythe Al-Qaida. Le terrorisme symptôme d’une société malade
Rik Coolsaet, préfaces de Louis Michel et d’Olivier Roy, Editions Mols, Genval, 2004, Coll. Autres Regards, 163 pages
Le terrorisme est aujourd’hui le sujet de notre actualité brûlante, de nos réflexions élargies, de nos tentatives de prospectives. En deux ans, il a semblé changer notre manière de penser, notre conception de la stratégie, notre vision des alliances et des relations internationales. C’est au point où l’on parle volontiers d’une époque entièrement nouvelle, comme s’il y avait un « avant le 11 septembre » et un « après… » Dans sa préface, Olivier Roy nous met en garde contre la tentation de « sur-islamiser » les groupes dits Al-Qaida, à la légitimité auto-proclamée, dont le « peuple musulman » mis en avant par les activistes n’est qu’un avatar des masses du Tiers-Monde des révolutionnaires de naguère. D’où l’utilité de resituer ce nouveau terrorisme international dans sa perspective historique, comme l’a fait Rik Coolsaet. Il nous décrit deux antécédents. La vague d’attentats anarchistes en Russie, en Europe, en Amérique : « Le souffle de la haine et de la résistance, le terrorisme anarchisant du dix-neuvième siècle », au nom des classes laborieuses, avec ses dérives romantiques et nihilistes, qui a mobilisé une première fois la communauté internationale des Etats. Puis, il nous décrit une première stratégie de la tension en Europe : « Le temps du panfascime d’extrême droite de l’entre-deux-guerres » On pourrait aussi y ajouter un autre précédent, plus ancien, celui de la mouvance intégriste de la « secte des Assassins », au Moyen-Orient, à l’époque des croisades…. Dans la dernière partie du livre il nous décrit ce terrorisme islamiste du vingt et unième siècle. Dans la première partie du livre, aux intitulés tels que « vérité et affabulation » ou « terroriste pour les uns, combattant de la liberté pour les autres », il recadre dans le contexte international la marginalisation des populations cibles, le rapport entre les menaces et les réactions à celles-ci. La société européenne ou occidentale, est-elle bien « l’homme malade » du monde ?
Irak : qui a gagné ?
Daniel Durand, Editions La Dispute, Paris, 2003,183 pages
La question semble saugrenue. L’auteur, ancien dirigeant de l’organisation française « Mouvement pour la paix », veut y voir des éléments constructifs. Ainsi, sur l’ONU : « Construire un monde où le droit prime sur la force suppose de renforcer la seule institution qui soit à l’échelle d’un monde en voie de globalisation : les Nations unies. A la lumière de la crise irakienne, un débat mondial a débuté sur l’efficacité du désarmement irakien par le moyen de la pression politique combinée à un système d’inspections et de surveillance. Les bons résultats obtenus, comme leurs limites, ont mis en relief l’urgence de donner des moyens plus importants aux inspecteurs, de trouver de nouvelles formes d’action politique de pression et de contrôle sans recourir pour autant à la guerre, donc en utilisant le potentiel de la Charte des Nations unies » Toujours sur l’ONU, il insiste sur l’émergence dans les années nonante d’une plus grande pluralité des Etats, de conférences et d’organismes performants et de la place grandissante des ONG, ce qui suppose par derrière de vraies sociétés civiles démocratiques… Une autre idée forte serait de mettre une : « Europe puissance positive », une alternative au service du maintien de la paix, dans le respect des décisions multilatérales. Un point de vue pacifiste très bien argumenté, qui dépasse de loin la seule crise irakienne.
Les frontières au Moyen-Orient
Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, Editions L’Harmattan, Paris, 2004, Coll. Comprendre le Moyen-Orient, 230 pages
Le Moyen-Orient n’en finit pas d’être en crise. Les raisons de cette situation structurelle sont multiples. L’une d’elle renvoie à la formation de ces Etats, tous ou presque issus du démembrement autoritaire de l’Empire ottoman dans les années 20, lorsque les peuples de la région furent sommés de vivre à l’intérieur de territoires dont les frontières furent décidées en dehors d’eux par la Grande-Bretagne et la France. Les frontières ottomanes avec l’Egypte et la Perse ont déjà été fixées à l’aube du vingtième siècle. A l’intérieur de cet ensemble, aux divisions administratives ottomanes, se superposaient les solidarités locales et tribales, les minorités ethniques et linguistiques et surtout confessionnelles, les ambitions des grandes familles et les consciences nationales en formation.
Seul parmi les acteurs régionaux, l’Etat turc en reconstruction a pu imposer à peu près ses aspirations territoriales. A la Syrie et à la Palestine, ont été adjointes de vastes surfaces arides à l’est, sur les marches de l’Arabie. De même, la Mésopotamie étroite, majoritairement chiite, a formé la base du nouvel Irak, doublé avec Mossoul et des terres kurdes au nord, des surfaces arides à l’ouest. Le Koweït, déjà protectorat britannique, a été maintenu, le Liban des chrétiens protégés a été créé et la Transjordanie séparée de la Palestine pour former un ensemble continu avec l’Irak et l’Egypte. Au sud de la Péninsule arabique, les conquêtes saoudiennes se sont arrêtées à la zone d’influence britannique autour des côtes de la mer d’Oman et du sud du Golfe persique. Le cas de la Palestine mandataire est différent, puisque la construction de l’Etat y a été postposée et que ses frontières les plus problématiques restent surtout internes, entre revendications israéliennes et arabes. Stratégiques, ces ensembles ainsi formés tenaient compte de l’accès aux ressources pétrolières, des axes régionaux et des grandes routes maritimes. Un ouvrage rigoureux, à la langue claire, fort bien illustré de cartes précises. Il se focalise cependant trop sur le premier tiers du vingtième siècle et il n’a pas assez mis l’évolution de la région en perspective des grands développements internationaux.
Commerce et sécurité. Les exportations sensibles dans la mondialisation
Damien Romestant, Editions L’Harmattan, Paris, 2004, Coll. Economie de l’Innovation, 189 pages
La liberté de commercer a ses limites. Les exportations sensibles, celles qui ressortent de la sécurité nationale, sont bien réglementées. Elle concerne en premier lieu les armes et les matériels de guerre ; la prolifération nucléaire est au cœur des préoccupations des puissants, puis viennent le commerce biologique et chimique, et enfin les biens à double usage. Les organisations internationales valident à leur tour le contrôle des flux commerciaux des produits sensibles et figent ainsi les relations géopolitiques internationales.
Mais dans un monde global, l’étanchéité économique et technologique est difficilement contrôlable. Les destinataires finaux des biens ne sont pas toujours identifiés, quand ce ne sont pas des détournements organisés malgré les engagements, soit des pays du Nord vers ceux du Sud, soit entre pays du sud de la planète, dont certains, comme l’Inde ou la Chine, sont eux-mêmes devenus exportateurs de haute technologie. Le risque, c’est que les grands pays mettent en œuvre des politiques répressives, contre des Etats soupçonnés de posséder des armes de destruction massive, une « dissémination confisquée », et d’appuyer « l’hyperterrorisme » Cependant, les échanges économiques et technologiques, soumis à un contrôle strict, sont nécessaires à la balance commerciale des pays du Nord et au développement des pays du Sud. Une étude rigoureuse et bien argumentée sur un ensemble de problématiques complexes.
Les habits neufs de la terreur
Paul Berman, préface de Pascal Bruckner, traduction par Richard Robert, Editions Hachette, Paris, 2004, Coll. Hachette Littérature, 258 pages
Le livre, brillant, décrit certains des nouveaux défis de la sécurité internationale, non comme neufs, mais profondément inspirés par un Occident haï. Après un détour par les controverses américaines sur le réalisme et l’idéalisme (« Contre Nixon »), il fait un rapide tour des courants nationalistes arabes, dont la déviance baasiste irakienne. Il s’attache surtout à décrire l’islamisme politique. Il fait une longue analyse de la pensée de l’Egyptien Sayyid Quth, principal idéologue des Frères musulmans, exécuté il y a trente ans. Notre ennemi dans la guerre contre le terrorisme ne serait pas le monde arabe, mais le totalitarisme, venu d’Europe, qui nous revient aujourd’hui sous les avatars du nationalisme et/ou de l’islamisme. On y retrouverait les thèmes familiers des doctrines totalitaires de naguère : la réprobation de la décadence occidentale, l’éloge d’une avant-garde pure et déterminée, la promesse du paradis sur terre et, surtout, l’apologie de la mort et du martyre pour y parvenir. L’Occident, dans la montée du terrorisme, a donc une responsabilité intellectuelle. Paul Berman, intellectuel libéral réputé (dans le sens américain), fait partie de cette gauche anti-totalitaire, qui loin des fantasmes néo-conservateurs sur « l’axe du mal », veut réveiller la gauche de son angélisme. Son livre glisse un peu vite sur certaines données en amont comme les décolonisations, les inégalités socio-économiques, la nature des régimes arabes et musulmans en place, leurs confrontations séculières et ritualisées avec Israël et le sionisme. Cependant, c’est une thèse forte que l’on ne peut balayer d’un revers de main.
Le revers de la puissance. Les Etats-Unis en quête de légitimité
Robert Kagan, traduction par Fortunato Israël, Editions Plon, Paris, 2004, 120 pages
Après la publication de « La puissance et la faiblesse » en 2003, Robert Kagan revient sur le nouvel ordre mondial en abordant la radicalisation des problèmes survenue depuis le déclenchement de la crise irakienne. Jamais la fracture transatlantique n’a été aussi profonde. Car il s’agit bien de deux visions du monde, deux conceptions de la politique étrangère, quant à l’évaluation des risques et des moyens de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. A travers la critique historique et la définition de mêmes concepts par les uns et par les autres, il rappelle que « l’unilatéralisme » relatif des uns et des autres n’est pas une attitude nouvelle, mais que c’est son approbation implicite ou explicite qui fait la différence. Comme dans la crise du Kosovo, en 1999. D’où une réflexion théorique sur le bon usage de la puissance militaire et de la guerre, préventive, légitimée ou juste, du « multilatéralisme », toujours relatif et de compromis selon lui, de l’émergence d’un monde « multipolaire » ; du droit international et de l’ONU, auxquels il ne croit pas beaucoup. Robert Kagan, a écrit ce petit livre, clair, en rupture avec la position officielle américaine, bien qu’étant lui-même étiqueté « nouveau conservateur ». On lui reprochera de ne pas tenir compte plus concrètement des difficultés américaines, sans doute aussi conséquentes de ces divergences, dans les interventions au Moyen-Orient. Par contre, sa réflexion aborde lucidement les conditions, nécessaires, qui pourraient rendre à nouveau légitime la politique de son pays aux yeux des autres démocraties.
Du terrorisme et de ceux qui l’exploitent
Avi Primor, Editions Bayard, Paris, 2004, 275 pages
Ceux qui l’exploitent sont nombreux. L’Intifada palestinienne ne se limite pas aux territoires occupés et ne vise pas essentiellement les colonies et les soldats israéliens. En quoi est-elle liée au terrorisme mondial et en quoi s’en distingue-t-elle ? L’auteur donne un éclairage sur les racines du conflit israélo-palestinien et explique pourquoi on assiste à une telle dégradation des rapports entre les deux peuples et entre leurs dirigeants respectifs : critique envers les gouvernements israéliens successifs, ironique envers la politique idéale d’Arafat et de sa vieille garde, impitoyable envers les islamistes et leurs discrets sponsors… Il propose néanmoins des voies pour sortir de l’impasse, décrypte les enjeux et suggère les solutions qui peuvent émerger des régimes démocratiques et de la pression populaire. Avi Primor, ancien diplomate israélien, ambassadeur en Belgique et en Allemagne, souhaite aussi que l’Europe soit réintroduite activement dans le processus de résolution du conflit.
L’Amérique bâillonnée
Lewis Lapham, traduction de Laurent Bury, Editions Saint-Simon, Paris, 2004, 175 pages
La véritable Amérique serait basée sur la liberté d’opinion et le droit à l’opposition. Il y aurait aujourd’hui une mise au pas des « états-uniens », à travers le contrôle et/ou l’autocensure des médias, au moins des grands, et de la criminalisation de l’objection des choix stratégiques. Ainsi : « Le but de l’administration Bush n’est pas de défendre le citoyen américain contre un ennemi extérieur, mais de protéger l’oligarchie américaine contre la démocratie ». Si vous cherchez Lapham, il n’est pas aux marges du système : vous le trouverez au « Harper’s Magazine » de New York, où il est directeur de rédaction depuis 33 ans. Dans la tradition contestataire des années soixante, le style du livre est vif, polémique, brillant. Un peu répétitif aussi. Voir également « Le djihad américain », publié en 2002 chez le même éditeur.
La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense - Une approche politique, sociologique et économique
André Dumoulin, Philippe Manigart et Wally Struys, préfaces de Louis Michel et d’André Flahaut, Editions Bruylant, Bruxelles, 2003, 676 pages
Chacun des auteurs présente l’une des approches dans cet ouvrage pluridisciplinaire sur la Belgique, ses forces armées et la montée en puissance de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) La Belgique se considère comme un laboratoire en matière de coopération multinationale, de fédéralisation européenne de la sécurité et de la défense ; les auteurs, très documentés, nous en présentent l’évolution, par différentes approches, ainsi que par le contexte global. Se voulant une critique constructive, l’ouvrage fait le point sur les avancées politiques et les acquis de ces choix mais aussi sur leurs limites et les manquements dans leurs mises en oeuvre pratiques.
Armes sales, guerre propre ?
Marleen Teugels, Edtions Labor, Bruxelles, 2003, Coll. La Noria, 207 pages
La journaliste mène une enquête, autour de deux guerres, dans le Golfe en 1990 et 1991 et en ex-Yougoslavie de 1992 à 1999, sur les dégâts causés par les armes de technologie de pointe. Elle s’interroge aussi sur le vécu des soldats occidentaux engagés, leurs différents syndromes.
Le nouveau désordre mondial. Réflexions d’un Européen.
Tzvetan Todorov, préface de Stanley Hoffmann, Editions Robert Laffont, Paris, 2003, 112 pages
Force ou droit ? Hyperpuissance ou monde « multipolaire » ? L’écriture de ce texte court et décapant va vers l’essentiel. L’auteur, critique, historien et philosophe, prolonge sa réflexion par une série de propositions destinées à fonder une « puissance tranquille » européenne.
Irak. Les médias en guerre
Sous la direction de Olfa Lamaloum, préface d’Alain Gresh, Institut Panos, Paris, Editions Actes Sud, Arles, 2003, Coll. Sindbad, 236 pages
Cette analyse critique les médias, à travers ceux de six pays clefs : Les Etats-Unis (J.P. Marthoz), la France (H. Maler), Israël (M. Warschawski) , la Turquie (P. Vanrie), l’Irak (R. Huguenin Benjamin) et la chaîne Al-Jazira (O. Lamaloum). Face à la volonté américaine de guerre programmée et à ses oppositions multiples, ils étaient en situation de conflit intérieur : « Partout, les médias se sont ingéniés à relater dans ses moindres rebondissements le faux suspense diplomatique d’avant le 20 mars 2003 »
L’Union africaine face aux enjeux de Paix, de Sécurité et de Défense - Acte des Conférences de l’OPSA des 18 juin, 13 novembre et 19 décembre 2002
Sous la direction de Dominique Bangoura, Observatoire politique et stratégique de l’Afrique, Paris, Editions L’Harmattan, Paris, 2003, Coll. Sociétés Africaines et Diaspora, 253 pages
L’acte constitutif de l’Union africaine, adopté le 11 juillet 2000, est entré en vigueur le 26 mai 2001. Une période transitoire d’un an qui a permis à l’OUA de se maintenir et de passer le relais à l’Union africaine. L’intérêt scientifique de cet ouvrage réside dans l’analyse des concepts de paix, de sécurité et de défense et dans la mise en perspective de leurs applications sur le grand continent africain.