Dès sa genèse, la construction européenne avait pour objectif premier de préserver la paix en Europe. La défense et la sécurité restent pourtant les domaines les moins développés de la politique de l’Union européenne. Depuis le « Traité de collaboration en matière économique, sociale et culturelle et de légitime défense collective » signé le 17 mars 1948 à Bruxelles par le Benelux, la France et le Royaume Uni, les tentatives visant à inclure la défense et l’armement dans la construction européenne ont été nombreuses, mais le plus souvent vaines. La production et le commerce d’armement sont au coeur du concept de souveraineté des États. Garant supposé de l’intégrité du territoire et de la sécurité nationale, puissant instrument de politique étrangère, l’armement – la puissance militaire – est aussi fortement ancré dans « l’imaginaire social » [1] des grandes nations : un abandon de l’autonomie dans le secteur de l’armement est ressenti, par une très large frange de la population, comme une violation inacceptable de l’identité nationale. Il n’est donc guère surprenant que l’armement ait été aussi longtemps exclu du processus de l’intégration européenne, les rares initiatives de coopération s’organisant en dehors du cadre de l’UE, de manière volontaire et intergouvernementale.
Refroidi par l’échec retentissant de la Communauté européenne de défense (CED) rejetée par l’Assemblée nationale française le 30 août 1954, les membres fondateurs de la Communauté économique européenne ont explicitement voulu exclure la production et le commerce des armes du régime en vigueur dans le cadre communautaire. Cela s’est traduit par l’insertion de l’article 223 dans le traité de Rome de 1957 et, quarante ans et de multiples initiatives plus tard, par le maintien des mêmes dispositions à l’article 296 du traité d’Amsterdam [2] de 1997. Néanmoins, plusieurs initiatives et décisions récentes relatives à une réforme du système de production et d’acquisition d’armement de l’UE plaident désormais pour une nouvelle approche.