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CENTRE DE DOCUMENTATION • NOUVELLES ACQUISITIONS 2009


RAMSES 2010 - Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies

Sous la direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, Paris, éditions Dunod, Paris, septembre 2009, Institut Français des Relations Internationales (IFRI), 335 pages, ISBN 978-2-10-053442-5, prix 25,00 €
Le sous-titre de cette édition est : «Crise mondiale et gouvernance globale» ; le ton est donné. Entre crise de l’économie, risques d’effondrements, émergence de la puissance des pays émergeants, fin probable de l’unilatéralisme américain, système sécuritaire d’après post-Guerre froide, réchauffement climatique, un consensus se dégage pour une gouvernance humaine commune de la planète. Mais laquelle ? C’est à ces questions que s’attelle le RAMSES 2010, à travers huit (plus un) passages thématiques et des annexes.

La partie « zéro » de l’annuaire, dite « Perspectives », est une sorte d’introduction éditoriale par Thierry de Montbrial. Une synthèse toujours brillante des questions internationales qui plus encore que les années précédentes donne l’impression que les stratégies des puissances et des instances internationales ont pour objectif commun de préserver le système économique et le système international de sécurité. Au-delà des réformes structurelles des échanges, l’auteur insiste sur l’inévitable globalisation des problèmes et fait le pari de la mise en place d’instances globales renforcées sur l’environnement et sur la santé. Pour la sécurité du monde, le directeur de l’IFRI insiste sur le rôle des instances régionales dans la résolution des conflits et sur la nécessaire relance du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive comme conventionnelles, le tout sous l’impulsion pressante des puissants parrains. Une nuance de taille quant à la planète multipolaire que l’on nous annonçait.
A tout saigneur tout honneur, la première partie est consacrée à l’« Economie mondiale », sous la direction de Jacques Mistral, économiste réputé. Il signe l’article de synthèse, à la page 29, « Espoir de reprise, risque persistant ». Suivent « Comment n’ont-il rien vu venir ? », « Les banques centrales », « L’industrie bancaire », « Les politiques de relance », « Le G20 », « Le commerce international ». Enfin, dans l’article « Crise et mondialisation. La « grande récession» et l’avenir de la mondialisation », Mistral règle des comptes avec les néo-classiques qui dominent la pensée économique depuis trois décennies. Il fait le constat que le système international actuel ne répond plus aux nécessités et il appelle à une gouvernance économique intégrée au système des Nations-Unies. Sur 35 pages, c’est la partie la plus réussie, bien que l’on regrette qu’il n’y pas d’articles spécifiques sur l’économie réelle des matières premières et des secteurs industriels.

« Energie et Climat » suit, un passage extrêmement concret et central. L’IFRI, qui a récemment été noté comme le premier think tank français, travaille beaucoup sur les questions énergétiques, entre-autre à travers les activités de son bureau bruxellois. Premier constat en forme de regret : il n’y pas de véritables stratégies climatiques et énergétiques européennes, la prérogative reste finalement aux Etats membres. Pourtant, l’Europe, avec son poids d’entraînement et son avancée technologique, a intérêt à mieux coordonner ses efforts dans des projets ambitieux. Un nouveau souffle pour son économie comme pour son rôle mondial. Chaque chercheur traite d’une matière. Justement, William C. Ramsay en fait la synthèse dans l’article « Energie et Climat. Quel avenir pour les politiques énergétiques ? ». Dans l’article de Cécile Kérébel, « Réguler le climat ; Sommes-nous sur la bonne voie ? », il y a une autre interrogation. Le point sur les travaux scientifiques et la tendance prométhéenne de l’Homme. Sous le titre provocateur « Charbon. L’avenir sera-t-il noir ? », Susanne Nies aborde cette matière sombre qui représente encore 30 % de la consommation d’énergie primaire. Les gigantesques réserves un peu partout pourront avoir un rôle dans l’après-pétrole, pour autant que l’on utilise des techniques de nettoyage, de captage et de stockage de CO2 ; il pourrait redevenir du charbon liquéfié pour le carburant. Dans l’association explosive « Energies nucléaires et renouvelables. Solutions miracles ? », Christian Schülke fait un point rigoureusement objectif, qui mériterait d’être plus développé, sur ces modes de production en pointe dans une Europe talonnée par les pays d’Asie de l’Est. Maïté Jauréguy-Naudin nous présente l’étrange « Marché du carbone », entre taxes et droits, domaine dans lequel l’Europe est aussi en pointe, marché qui fait l’objet d’âpres négociations internationales. Enfin, Jacques Lesourne, dans l’article « Changement climatique. Conséquences économiques et sociales vraisemblables», nous donne le frisson d’un peu de politique-fiction…

Les parties consacrées aux régions du monde commencent par les « Etats-Unis », sous la direction de Laurence Nardon. Cette primauté reflète l’évènement international de l’année, aussi évoqué comme une espérance par Montbrial, que constitue l’arrivée d’un nouveau président et d’une nouvelle administration démocrate, déjà qualifiés de politiquement réaliste. Nardon est l’auteur de l’article « Obama, Bush et la « résilience » américaine », un concept déjà passé de la physique à la psychologie, porteur d’une idée de renouvellement en continuité. Suivent des articles sur « La politique intérieure », « Les Etats-Unis d’Obama », « Les relations transatlantiques ». Significativement, c’est Valérie Niquet qui traite de l’article sur les relations Etats-Unis / Asie (« Vers un duopole Washington / Pékin ? »), ce qui donne une indication sur le sens du courant. Bien entendu, les relations autour de l’espace du Pacifique sont de plus en plus centrales. Reste à voir sur quelles modalités. Zbigniew Brzezinki, éminence grise démocrate de la Guerre froide, dit réaliste, a publié un article proposant un G2, un condominium (économique ?) sino-américain, qualifié ici de fantasme. Restent les autres sujets importants : la place du Japon, le dossier coréen, le processus de régionalisation en Asie, le rapprochement indo-américain.

Suit le passage sur l’« Europe », sous la direction de Philippe Moreau Defarges. L’Europe est un autre domaine sur lequel travaille beaucoup l’IFRI, en particulier dans ses relations avec le reste du monde. Moreau Defarges signe l’article de synthèse (« Des frontières multiples ») et le suivant, « Union Européenne. Vers le début de la fin de la panne ? » Excellente question, très bon article, mais la panne est difficile à diagnostiquer. Sur la mécanique institutionnelle, l’auteur, connu pour ses positions pro-européennes, est mitigé. L’Europe fonctionne, telle quelle, mais l’enthousiasme est cassé. Le traité constitutionnel devenu traité de Lisbonne ne résoudra pas le manque de lisibilité et d’une posture européenne univoque sur la scène mondiale : au président de la Commission s’ajoutera le président du Conseil et entre les deux un ministre des Affaires étrangères / Haut Représentant pour la PESD aux pouvoirs renforcés. Un triumvirat auquel s’ajoutent vingt-sept souverainetés dominées par le moteur du couple franco-allemand, à moins qu’avec la Grande-Bretagne, il ne devienne à trois temps… Suivent des articles intitulés « L’Allemagne face à la crise », « Au-delà de l’élargissement », « Crises et migrations internationales », « UE / Espace ».

La partie maillon faible du monde, c’est apparemment « Moyen-Orient / Maghreb », sous la direction de Loulouwa Al-Rashid et Dorothée Schmidt. Les mêmes signent un article intitulé « La crise perpétuelle ? », une vision pessimiste, récurrente depuis plusieurs années. La crise est à la fois régionale, durable, et internationale. C’est d’autant plus inquiétant que ce serait sur la rive sud de l’Europe… Cinq articles le complètent : « Les fonds souverains arabes », « Algérie », « Egypte », « Hamas » et « Iran ». Ce dernier (« La République islamique fissurée ») est une bonne analyse, à chaud, des évènements de juin.

Le sujet de l’« Asie » a déjà été partiellement traité à travers le passage des Etats-Unis. Valérie Niquet dirige cette partie et signe l’article de synthèse. Suivent cinq articles, sur la Corée du Nord, la Chine, le Japon, l’Inde, l’accord nucléaire indo-américain et l’Asie de l’Est. Plusieurs conflits ethniques ou religieux subsistent en Asie du Sud, même si l’on reconnait la stabilité des régimes et des modes de développement indien et indonésien. Quant aux tensions au nord-est de l’Asie, elles sont qualifiées de reliquat de la Guerre froide.

Le passage sur l’« Afrique » est dense en articles, il y en a pas moins de huit, « L’Afrique et la crise », « La crise alimentaire », « Des guerres aux conflits », « Piraterie maritime », « Crises sanitaires », « Afrique du Sud » et « Zimbabwe »… L’ensemble est dirigé par Alain Antil qui signe l’article « Le retour des militaires ? Une fausse question ? » Il s’agit de comprendre les tenants et les aboutissants de plusieurs coups d’Etat militaires, soit pour prendre le pouvoir, soit pour le remettre à d’autres civils. Les causes en sont le partage de la rente, les désordres, les incuries et la corruption au sein d’Etat faibles. Une analyse assez semblable des causes est faite par Thierry Vircoulon dans son article « Des guerres aux conflits. Vers de nouveaux paradigmes » auxquelles s’ajoutent de vastes territoires échappant à l’autorité du pouvoir central et de dissidences de frontières. Il rappelle qu’en 2005, il y avait environ 50.000 casques bleus sur le continent africain, première région de déploiement, plus les militaires sous égides de l’Union africaine ou de l’Union européenne.

La dernière partie, sur l’« Amérique Latine » est dirigée par Javier Santiso qui signe deux articles « Le continent sud-américain n’est plus l’arrière-cour des Etats-Unis » et « L’Amérique latine face à la crise globale ». La démocratisation sud-américaine des années nonante conduit à la sortie de cent ans de solitude. Reste à savoir quel modèle de gauche sera prédominant : le néo-réformiste de Lula, le crypto-marxiste de Chavez ? Les trois autres articles sont effectivement consacrés au Brésil, au Venezuela et à la Bolivie. Cette vaste région, très diversifiée, ne manque pas d’atouts face à la crise comme dans l’avenir à terme. Ainsi, l’Amérique du Sud s’organise, multiplie les relations bilatérales et interrégionales (Mercosur) avec l’Europe, avec l’Asie. Le sujet mérite plus de développements.

Le RAMSES 2010 reste un ouvrage de référence géopolitique fort utile, au prix abordable. Un format agréable, 17 x 24, une mise en page soignée, un appareil critique clair et bien structuré, des cartes et des graphiques, des chronologies des évènements et des collations de chiffres. (Alain Reisenfeld)


La bombe. L’univers opaque du nucléaire

Jean-Marie Collin, éditions Autrement, Paris, 2009, coll. Frontières, 201 pages, ISBN 978-2-7467-1256-0, prix : 19,00 €
Ce livre est une excellente idée : expliquer à des lecteurs non spécialisés, le plus clairement et le plus complètement possible, les tenants et les enjeux des armes nucléaires. La démarche de Jean-Marie Collin est une réussite qui arrive opportunément dans une période de changements. Au fil de six chapitres évoquant chacun une approche complémentaire, la complexité du sujet est bien éclairée. Il permet de mieux comprendre la logique stratégique et de la perpétuation d’une course aux armements non-conventionnels. Le livre donne une vision pas trop optimiste mais constructive.

Comment en sommes-nous arrivé là ? La théorie des dominos nucléaires explique la concurrence des Etats dans l’affirmation de la puissance parallèlement à l’érosion du concept de dissuasion nucléaire. Il y a actuellement 9 puissances nucléaires, en incluant la Corée du Nord, et une estimation de 26.000 bombes (charges) dans le monde, à plus de 90% russes et américaines… Le pic a été atteint au début des années 90, avec 70.000 charges. Trois aspects sont développés ici : une possible nouvelle prolifération nucléaire, les filières de la bombe, « désinventer » la bombe, c'est-à-dire l’abandonner. Les essais nucléaires militaires sont estimés à 2.059 depuis les années 40. Ce sont des préjudices pour les populations et pour l’environnement, mais aussi des incitants à la course aux armements en testant « en vrai » les avancées techniques. Le Traité d’Interdiction Complet des Essais (TICE) en 1996 est donc un progrès vers le désarmement.

Pratiquement depuis le début de l’ère atomique, à la fin des années 40, il a été question de désarmement nucléaire ou Arms Control… Dialectique ou sincère, ce mouvement s’est concrétisé en 1968 avec le Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP), qui limitait aux cinq membres permanents du Conseil de Sécurité les puissances nucléaires, auxquelles se sont ajoutée de facto trois pays non signataires. Cependant, il rappelle que l’objectif de désarmement progressif et complet du TNP n’a pas été rencontré, tout en reconnaissant sa centralité dans le système international de sécurité. Dans les années 70 et 80, plusieurs traités bilatéraux USA-URSS ont fait baisser la tension au profit de tous : SALT, ABM, START. Enfin, l’abandon unilatéral du traité ABM par les USA et le traité bilatéral SORT, en 2002, sont critiqués. L’opportunité de la sortie du livre s’insère dans une actualité riche de menaces et de perspectives de changements : les crispations autour des dossiers nord-coréen et iranien ; les déclarations de l’administration démocrate américaine sur leur désarmement à travers la NRP (Nuclear Posture Review) et l’abandon du volet européen du projet Missile Defense ; la conférence de révision du TNP, en mai 2010 ; la prorogation du traité START en 2012.

Vers un monde sans armes nucléaires ? C’est en tout cas ce que de l’auteur souhaite, ne cachant pas son engagement pacifiste. Il voit un autre progrès notoire dans ce sens à travers les initiatives intergouvernementales des ZEAN (zones exemptes d’armes nucléaires), couvrant la moitié des terres, essentiellement dans l’hémisphère sud et actuellement au nombre de six, avec l’Afrique en juillet 2009. Dans les sociétés civiles des pays développés, il y a depuis une dizaine d’années un regain d’opposition aux armes nucléaires, également lié aux questions environnementales. L’auteur rappelle que le tiers des vecteurs dans le monde sont à bord de sous-marins. Enfin, il semble que l’engagement antinucléaire vise de plus en plus en même temps l’utilisation civile de l’énergie nucléaire. L’auteur y souscrit, en soulignant la dangerosité de l’atome civil comme tremplin vers la prolifération nucléaire. Un point de vue qui n’est pas partagé par Charpak et Garwin dans leur essai « Feux follets et champignons nucléaires ». Le chapitre sur la planète nucléaire fait le tour de l’évolution des politiques stratégiques et des arsenaux des neuf puissances nucléaires, qui y consacrent en gros le dixième de leurs dépenses de défense. Enfin, il faut bien imaginer la Guerre nucléaire : des conséquences irréversibles, chapitre dans lequel l’auteur met le point sur le i du mot apocalypse…

Le livre est encore enrichi par un solide appareil critique : des notes en bas de page mais aussi une bibliographie, une liste d’acronymes, un glossaire et un glossaire des armements par pays. Ce guide s’adresse à des personnes non spécialisées dans les questions nucléaires, c'est-à-dire pratiquement tout le monde, mais ayant déjà quelques bases : fonctionnaires, journalistes, enseignants, étudiants en relations internationales, militants… C’est un peu « Tout ce que vous vouliez savoir sur la bombe atomique et ses vecteurs sans jamais oser le demander ! ». (Alain Reisenfeld)


Enforcing European Union Law on Export of Dual-Use Goods

Anna Wetter, Stockholm International Peace Research (SIPRI), Solna, April 2009, Oxford University Press, Oxford, Coll. SIPRI Research Report n° 24, 188 pages, ISBN 978-0-19-954896-5, prix 35,00 £
Les biens et technologies à double usage (BTDU), au départ d’applications civiles, peuvent souvent servir à des armements non-conventionnels, des armes de destruction massive. L’attention de la communauté internationale sur la prolifération de ce type d’armements s’est concrétisée dès la fin des années soixante, avec un regain d’inquiétude dans les années nonante. Ce livre veut sensibiliser aux législations nationales, européennes et internationales, souvent complexes, qui se réfèrent aux accords régissant le contrôle des exportations de biens à double usage dans l’Union européenne. Et il plaide pour le renforcement des systèmes de contrôle de ces exportations.

Le contexte international s’oriente vers des accords de non-prolifération et d’interdiction des armes de destruction massive : Traité de non-prolifération des armes nucléaires (1970), Convention d’interdiction des armes biologiques (1975), Convention d’interdiction des armes chimiques (1997), Résolution 1540 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (2004). A cette fin, un certain nombre de régimes multilatéraux de contrôle des exportations sensibles se sont mis en place à partir des années septante : le Comité Zangger et le Groupe des fournisseurs nucléaire, le Groupe d’Australie (armement biologique et chimique), le Régime de contrôle de la technologie des missiles, l’Arrangement de Wassenaar (armes conventionnelles et BTDU) ; ils publient chacun des listes de biens et technologies pouvant servir aux armes de destruction massive. L’ensemble forme la base d’un important corpus juridique et technique dont l’Union européenne a pris acte. Les instruments institutionnels de l’Union européenne en la matière sont complexes. La base législative a été le règlement communautaire de 1994 (CE) sur les exportations de biens à double usage et l’Action commune de décembre 1994. Une première liste de biens, sur base de celles des régimes multilatéraux, était soumise à révision annuelle. Décidées par le Conseil de l’Union européenne, approuvées par le Parlement et mises en application par les Commissions, ces mesures entrent en force dans les différentes législations nationales. La réglementation de 1994 est modifiée en juin 2000 par le règlement communautaire (CE) 1334/2000, qui désormais divise ses annexes en plusieurs catégories de biens et technologies. En plus de la puissance publique, le texte de 2000 implique une responsabilité accrue des industries, appelées à une veille technologique contre les détournements.

Le renforcement de la régulation des Commissions européennes et ses applications au niveau national des BTDU est donc continu. La difficulté vient d’un marché à l’exportation parmi les plus ouverts au monde, avec des tissus industriels locaux variables. Les listes de BTDU sont régulièrement mises à jour. Le Code européen des douanes a été modifié en 2008. Après les Etats-Unis et d’autres pays, le régime européen a mis en place dans les années 2000 la clause « catch all », qui pour éviter des exportations indues de produits hors listes, permettait de les empêcher sur présomption de prolifération. Voir notre note d’analyse : « La clause « catch-all », un instrument contre la prolifération », (http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTES-ANALYSE/2009/NA_2009-01-23_FR_C-POITEVIN.pdf) qui décrit cette clause « attrape-tout » à travers les différents régimes internationaux de non-prolifération des armes de destruction massive. Ces vérifications croissantes entraînent aussi les recherches des destinataires finaux des biens et techniques, avec la multiplication des processus dit « end-use ».

La coopération inter-agences au niveau européen est vivement recommandée par l’auteur. Il s’agit aussi de perfectionner les coopérations inter-agences au niveau national. Les études de cas décrivent les systèmes de renforcement des contrôles et des sanctions dans quatre pays membres (Allemagne, Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni) à travers les suites d’enquêtes de terrain et d’actions judiciaires. Cela donne une vision assez concrète du travail pratique, de sa part de hasard et de ses mécanismes, de ce qui fonctionne bien ou pas.

Le livre veut ainsi donner des arguments aux décideurs politiques nationaux pour durcir leurs systèmes de contrôle des exportations et appelle à plus de coordination et de coopération pour éviter les abus au sein du marché unique de l’UE. Insistant pour une meilleure compréhension des risques auxquels conduit l’exportation illégale de biens à double usage, il se présente comme un guide pour les acteurs publics et économiques, afin de mieux appréhender les aspects cruciaux du régime européen de non-prolifération. En annexe, un tableau reprend les sanctions aux violations de la législation dans vingt-cinq pays membres. Le propos de l’auteur est clair malgré la technicité du sujet ; dans ses conclusions, elle veut plus de moyens et plus de sévérité, consciente de la difficulté de l’entreprise.

Alain Reisenfeld


Forces armées et services de sécurité : quel contrôle démocratique ?

Conseil de l’Europe, éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2009, coll. « Point de vue – Point de droit », ISBN 978-82-871-6536-7, 286 pages, 35,00 €
Face à l’accroissement que constituent notamment le terrorisme ou la criminalité organisée internationale, les sociétés européennes ressentent un besoin croissant de sécurité, tant intérieure qu’extérieure. L’action des gouvernements dans leur lutte contre ces menaces doit être légale - mais aussi légitime – et être menée dans le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, principes fondamentaux du Conseil de l’Europe. La question qui se pose est de savoir qui va exercer un contrôle démocratique dans ce domaine. Quels sont les rôles des parlements, de l’exécutif, du pouvoir judiciaire et de la société civile ? Existe-t-il des entités de contrôle au niveau supranational ?

Le Conseil de l’Europe, créé en 1949, regroupe aujourd’hui 47 Etats membres, soit la quasi-totalité des pays du continent européen. L’Assemblée parlementaire et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (appelée Commission de Venise), deux instances du Conseil de l’Europe, travaillent de concert pour mieux définir et défendre les valeurs fondamentales de l’organisation : la protection des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie. L’Assemblée parlementaire débat des grandes questions d’actualité en Europe. La Commission de Venise apporte son expertise juridique sur ces questions.

Le présent ouvrage rassemble trois rapports. Celui de l’Assemblée parlementaire, intitulé « Le contrôle démocratique du secteur de la sécurité dans les Etats membres », un texte adopté le 23 juin 2005, soit la recommandation 1713 au Comité des Ministres et la réponse de celui-ci. Dans l’exposé des motifs, quatre points sont regroupés : services de renseignement, police démocratique, gestion des frontières et défense. Le texte sert de base aux deux suivants.

Les deux autres rapports émanent de la Commission de Venise. Le premier texte est « Le contrôle démocratique des services de sécurité », adopté les 1er et 2 juin 2007. Il insiste sur la nécessité du contrôle, ses multiples formes et sur la variété des situations nationales. Le second texte est « Le contrôle démocratique des forces armées », adopté les 14 et 15 mars 2008, ainsi que trois annexes jointes sur les législations nationales. Il insiste sur le rôle parfois intérieur des forces armées, mais aussi, de plus en plus souvent, sur une dimension internationale de la décision de l’emploi de la force.

L’ouvrage n’apporte pas de réponses systématiques sur la question du contrôle démocratique, au-delà de simples remarques, pertinentes ou provocatrices dans les résumés ou les conclusions, Il se dégage une préférence pour le contrôle parlementaire, comme avec notre « Comité R ». La difficulté vient de la différence entre les systèmes politiques des pays membres du Conseil de l’Europe. Au-delà, reste posée la question de l’instance de coordination mais aussi du contrôle régional et supranational de l’action des forces armées et des services de sécurité : l’Union Européenne avec ses partenaires, le Conseil de l’Europe, l’Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe ? Quelle articulation avec le multilatéralisme du système de l’ONU ?

Alain Reisenfeld


Une économie politique de la sécurité

Claude Serfati (éd .) Éditions Karthala, Paris, 2009-04-29, ISBN : 978-2-8111-0077-3, 336 pages
Au cours des dernières années, la sécurité est devenue un objectif central des gouvernements.
La doctrine de sécurité nationale de l'administration Bush (2006), celle des pays européens, en commun avec les États-Unis (Concept stratégique de l'OTAN, 1999) ou seuls (Stratégie européenne de sécurité, 2003) adoptent une nouvelle vision de la mondialisation. Ces documents déclarent que, en plus des menaces armées, la sécurité nationale inclut désormais de nombreuses dimensions (énergie, environnement, droits de propriété privée…) qu’il convient de protéger, y compris par des moyens militaires.
Dans le contexte de la mondialisation dominée par la finance débridée et des dangers qui menacent l'humanité, les enjeux et conflits de mobiles sécuritaires ainsi que leur instrumentalisation sont au centre de cet excellent ouvrage, fruit d'un travail commun mené par des économistes, des juristes, des politistes et des sociologues.


The Effectiveness of Foreign Military Asset in Natural Disaster Response

Sharon Wiharta, Hassan Ahmad, Jean-Yves Haine, Josefina Löfgren and Tim Randall, A report by Stockholm International Peace Research (SIPRI), Solna, 2008, 139 pages, ISBN 978-91-85114-57-3
Les Etats pays ne peuvent pas toujours aider rapidement leurs populations victimes de catastrophes naturelles. Pays petits ou insuffisamment équipés, selon l’ampleur de la catastrophe, n’importe quelle nation peut un jour être débordée. Se pose alors la question d’apporter l’aide humanitaire d’urgence internationale. Un autre problème se pose : les armées ont souvent des capacités pour cette aide mais il n’est pas évident de recevoir des forces armées étrangères, même avec les meilleures intentions du monde. La relation entre l’humanitaire et le militaire est interrogée ici, à la lumière d’études de cas récents.
Cette étude examine les avantages, limitations et implications d’envoyer des moyens militaires étrangers _ personnel, équipement et expertise _ dans les opérations d’aide qui suivent les catastrophes naturelles majeures. Elle présente les résultats d’un projet de recherche menée par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) avec le soutien de l’agence des Nations Unies pour l’aide humanitaire, l’OCHA. Les moyens militaires étrangers ont largement contribués à des opérations d’aides dans des catastrophes naturelles récentes, bien que leur emploi dans de telles situations reste controversé. Les questions posées vont du principe de fond _ est-il approprié que des forces étrangères prennent part dans de tels travaux _ à des considérations plus pratiques telles que le coût, la possibilité pour les moyens militaires étrangers de participer à des opérations humanitaires dirigées par des civils et comment la présence de forces armées étrangères affecte la capacité d’organisations humanitaires civiles d’agir avec indépendance et dans la sécurité.

L’étude donne une vue d’ensemble des moyens militaires étrangers les plus courant dans les réactions aux catastrophes naturelles y compris quand et comment ils sont déployés. L’étude analyse également le rôle joué par les moyens militaires étrangers dans certaines opérations d’aide qui ont suivi des catastrophes majeures : au Mozambique après les inondations de 2000, en Haïti après les inondations et la tempête tropicale Jeanne en 2004, dans la province indonésienne d’Aceh après le tsunami de l’Océan indien de 2004, et dans le Cachemire sous administration pakistanaise après le tremblement de terre en Asie du Sud de 2005.

Les quatre cas présentés en annexes illustrent à la fois la diversité des situations de crise locales et la constance d’un certain nombre de paramètres, comme les questions économiques, sociales et environnementales des pays, leurs conflits internes et leurs tensions avec les voisins, leurs rapports à la communauté internationale. De plus, l’organisation des secours n’est pas la même selon les types de catastrophes naturelles. L’opération menée au Mozambique en janvier et en février 2000 est dite innovante et exemplaire. L’aide internationale, organisée sous l’égide des Nations Unies ; a permis à 11 pays dont deux pays voisins de mettre dans l’urgence des moyens de leurs forces armées. Ensuite, les opérations dans la longue durée ont été confiées aux organisations humanitaires. En 2007, une autre grande inondation a été bien affrontée grâce aux structures mises en place. Le Mozambique illustre le cas d’un pays fragilisé en situation de post-conflit, à la population enclavée. De plus, la présence de nombreuses mines antipersonnel subsistant a aggravé les risques encourus par les habitants après les inondations.

Le cas d’Haïti est plus simplement dramatique. Le pays était exposé à une instabilité politique et à une extrême pauvreté lorsque survinrent en mai et en septembre 2004 des inondations puis une tempête tropicale qui ont frappé des populations déjà largement démunies. Les Nations Unies ont coordonnés d’autorité les secours de l’aide étrangère, civile et militaire, non sans tensions avec les pouvoirs locaux. Le déboisement intensif de l’île a accéléré la violence du ruissellement des eaux. Le tsunami de décembre 2004 dans l’Océan indien a suscité une mobilisation sans précédant de l’opinion internationale. La province indonésienne d’Aceh, à l’ouest de l’île de Sumatra, était la plus proche de l’épicentre ; ses côtes furent très durement ravagées par la vague. Depuis 30 ans, une insurrection séparatiste armée agitait Aceh contre la capitale ; beaucoup de ses combattants périrent dans la catastrophe. Le gouvernement indonésien fut d’abord réticent à l’arrivée de l’aide internationale sur le territoire, avant de gérer celle-ci. L’aide fut efficace, avec l’arrivée dans l’urgence de militaires de 16 pays, venus de pays voisins, des Etats-Unis, du Japon, d’Australie, etc. Les organisations humanitaires prirent le relais sur le long terme. Conséquence inattendue, un accord d’autonomie d’Aceh fut trouvé entre Djakarta et la rébellion. Dans une circonstance semblable, l’île de Sri Lanka apporta des solutions différentes. L’Inde ne fit pas appel à l’aide étrangère.

L’aide apportée aux populations dans la province pakistanaise du Cachemire, après le tremblement de terre d’octobre 2005, ne fut pas une réussite. Le gouvernement pakistanais se méfiait de l’arrivée de l’aide humanitaire internationale, tant militaire que civile, par peur de l’espionnage : la zone est au cœur d’un litige frontalier avec l’Inde et la base arrière du soutien à l’insurrection séparatiste du Cachemire indien. De plus, les autorités locales traditionnelles virent d’un mauvais œil l’arrivée d’étrangers. L’aide militaire étrangère d’urgence fut mis sous l’autorité de l’OTAN, une première pour l’organisation, par ailleurs engagée militairement dans l’Afghanistan voisin. Les autorités pakistanaises ont reproché aux forces étrangères de ne pas suivre leurs demandes ; elles ont cependant reconnu que l’armée pakistanaise n’était pas préparée à ce type de situation et elles ont mis en place une agence civile pakistanaise. Cette situation serait à comparer aux coopérations internationales lors des grands tremblements de terre, quelques années plus tôt, en Iran et en Turquie. L’étude pourrait encore être complétée par les catastrophes du printemps 2008 en Asie, l’inondation en Birmanie et le tremblement de terre dans la province du Sichuan, en Chine.

Les 50 premières pages de la publication correspondent au rapport proprement dit ; ce sont des réflexions théoriques et des études de chiffres sur la période 1997-2006. Le rapport donne des recommandations de bonnes pratiques, dont le renforcement de l’action de l’OCHA ; il présente les Oslo Guidelines pour les opérations militaires d’urgence humanitaire. L’ensemble de la publication est utile pour les étudiants et les chercheurs spécialisés, les ONG d’aide. Toute la complexité des relations internationales se reflète dans cette problématique. Le GRIP a déjà abordé la question des relations entre militaire et humanitaire dans deux livres. Certains pays craignent que la présence de forces militaires étrangères sur leur sol ne soit un acte d’ingérence. De plus, les prévisions, rationnelles ou catastrophistes, annoncent une augmentation des catastrophes naturelles. Enfin, la plupart des pays n’ont pas les budgets pour dédoubler les moyens militaires par des moyens civils d’aide d’urgence. Cependant, différents types de coopérations internationales peuvent se mettre en place, comme la mise à disposition de « forces » internationales, civiles ou militaires, sur le modèle du maintien de paix. En dessous du niveau de l’ONU, la prise en charge de la coordination par des organisations régionales, avec des moyens potentiels en commun, des spécialisations. L’aide humanitaire d’urgence renvoie au fond au multilatéralisme, aux coopérations régionales, à la paix et au développement… (Alain Reisenfeld)


Les conflits dans le monde 2008.
Rapport annuel sur les conflits internationaux

Sous la direction de Michel Fortmann et Gérard Hervouet, Institut Québécois des Hautes Etudes Internationales (HEI), Québec, Presses de l’Université Laval, Québec, 2008, 265 pages, ISBN 978-2-7637-8758-9


La 26ème édition de ce rapport annuel reste d’un excellent niveau. Il n’est plus centré sur une vision canadienne, Il élargi les faits et analyses stratégiques à d’autres critères évènementiels ou de fond intervenant dans les relations internationales. Les titres des chapitres sont révélateurs : « Entre puissance et diplomatie. Les Etats-Unis à la croisée des chemins », « La Russie et les Balkans. L’indépendance du Kosovo et la guerre d’Ossétie du Sud », « Puissance normative, réalisme et sécurité européenne », « Asie. La maîtrise des instabilités », « Le Moyen-Orient. Guerres larvées et immobilisme politique », « L’Afrique sub-saharienne. Des dynamiques encourageantes malgré les crises », « Les Amériques sous la menace du narcoterrorisme et des clivages sociaux ». L’ouvrage se termine par un chapitre transversal : « Contrôle des armements et non-prolifération en 2007-2008 » et il s’ouvre par une chapitre d’analyse globale, signé comme le précédent par Michel Fortmann et Andrey Reeves : « L’évolution des conflits dans le monde en 2007-2008. Une année de transition ». Après avoir mis en garde sur les différentes approches méthodologiques et les définitions des conflits, les auteurs estiment que les conflits armés, étatiques comme non-étatiques, ont tendance à diminuer en nombre et en létalité, alors que les victimes indirectes, difficiles à évaluer, restent nombreuses. La nature des conflits dans le monde tend à changer et leur centre de gravité se déplace de l’Afrique vers l’Asie. Une vision dite modérément optimiste. Le frein au progrès de la démocratie dans le monde semble par contre inquiétant puisque celle-ci est généralement associée à la consolidation de la paix internationale.


Le multilatéralisme, mythe ou réalité

Sous la direction de Michèle Bacot-Decriaud, éditions Bruylant, Bruxelles, 2008, coll. Etudes Stratégiques Internationales n° 5, 218 pages, ISBN 978-2-8027-2554-1, 35,00 €
Face aux principales menaces qui pèsent sur la sécurité du monde – dangers socio-économiques et environnementaux, conflits inter-étatiques de type classique, conflits intra-étatiques, érosion du régime de non-prolifération, terrorisme et crime organisé – on peut se demander si le multilatéralisme est susceptible de limiter et d’organiser l’exercice de la souveraineté des Etats au sein de cadres juridiques communs, et s’il peut transformer le mode d’expression des rapports de puissance. Dans le monde actuel, souvent décrit comme multipolaire, si les échanges économiques se réfèrent à des instances multilatérales, OMC ou FMI, les relations inter-étatiques tendent à s’organiser au sein d’instances régionales, puis inter-régionales, comme en Europe, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud.
Les contributions réunies dans cet ouvrage interrogent le multilatéralisme comme mot et comme concept, étudient sa place dans les institutions internationales, sa perception et sa pratique. Les auteurs sont des chercheurs canadiens et français, juristes, politistes et économistes. Ce volume s’inscrit d’ailleurs dans la collection de l’Association France-Canada d’Etudes Stratégiques. La première partie de cet ouvrage s’intitule « Multilatéralisme et institutions internationales », avec des articles sur l’Acte final d’Helsinki du 1er août 1975 et le mulitlatéralisme 30 ans après, la coopération ONU / UE en matière de maintien de la paix, les Etats-Unis et la Cour Pénale Internationale, la politique de partenariats de l’OTAN, le monde arabo-musulman avec le cas du D-8. La troisième partie s’intitule « Multilatéralisme et sécurité des Etats », avec quatre articles, sur l’Europe centrale, sur l’Asie centrale, sur l’Amérique de Bush I et II, sur le Canada.
La seconde des trois parties de l’ouvrage, « Multilatéralisme, armement et désarmement », confiée à deux chercheurs français, nous intéresse tout particulièrement. Jean-François Guilhaudis, du CECISE de Grenoble, redéfinit le concept de multilatéralisme en matière de sécurité collective, en particulier au sein de l’ONU, insistant sur les avancées, entre-autres celle proposée en 1978 par la France. Il retrace l’évolution des relations internationales en ce sens, depuis la deuxième guerre mondiale jusqu’en 2006, délimite des périodes tendancielles. Guilhaudis relativise les concepts, en expliquant par exemple que les traités de désarmement bilatéraux USA / URSS des années 70 et 80 étaient des actions pour le bien commun de l’humanité mais que par ailleurs, l’action multilatérale existait au-delà du poids des blocs. Concernant la période commencée au début des années 2000, il a cette formule : « le multilatéralisme est en crise mais il n’est pas mort ». Cette crise est illustrée, par exemple, par l’échec en 2005 de la conférence de révision du Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP). Jean-Paul Hébert, du CIPRES de Paris, aborde plus ou moins les mêmes matières mais d’un point de vue plus technique, avec son article « Multilatéralisme et production et transferts d’armements », se recentrant plutôt sur les années 2000 à 2006. Hébert est plus pessimiste sur les évolutions, nombreuses données à l’appui, s’interroge sur les variations de chiffres et d’analyses dans les transferts d’armes selon les différents intérêts, sur la bonne fois des différents acteurs. Sa conclusion est parlante : « le multilatéralisme, un mythe mobilisateur. »


Les banlieues de l’Europe.
Les politiques de voisinage de l’Union Européenne


Sous la direction de Jacques Rupnik, Presses de Sciences Po, Paris, 2007, coll. Nouveaux Débats, 203 pages, ISBN 978-2-746-1044-4, prix 12,00 €
Dans la langue française des Français de France, le terme « banlieue » a une connotation péjorative : c’est manifestement une provocation sémantique pour attirer l’attention sur une contradiction européenne, selon les auteurs. Les politiques européennes de voisinage (PEV) s’appliquent à des zones diverses, pays de la rive sud de la Méditerranée, des Balkans occidentaux, de l’ancienne URSS… Elles ont été mises en place dans la perspective du grand élargissement de l’Union vers l’Est, en 2004 et en 2007. En effet, la phase actuelle de construction européenne serait à l’intégration, selon la réunion du Conseil des 15 et 16 juin 2006, dans la foulée de celle de juin 1993 qui formulait alors « l’assimilation ».
L’Union européenne fait donc face à la double contrainte de stabiliser ses périphéries et d’éviter l’inclusion comme seule finalité de ses relations avec ses nouveaux voisins. Les PEV sont donc souvent des accords d’associations conditionnels à géométrie variable, voir le document European Neighbourhood Policy Strategy Paper du 12 mai 2004. Pour les voisins du Sud, des partenariats renforcés selon les normes MEDA / processus de Barcelone, et la récente Union pour la Méditerranée. Pour les pays d’ex-Yougoslavie, c’est le Processus de stabilisation et d’association, antichambre de l’adhésion. Pour les pays du « proche étranger », à l’Est, ce sont d’autres formes de partenariat et d’association (programme TACIS, etc.), bien que la Russie préfère négocier bilatéralement en partenariat de coopération avec l’UE. Dans ces PEV, la Turquie se trouve dans une posture unique…
Quant aux conditions de partenariat entre le centre et ses périphéries, elles sont de trois ordres, interdépendantes mais à importances variables : la sécurité, avec l’UE comme pourvoyeur de stabilité ; les réformes économiques, selon la « puissance normative » européenne ; la géopolitique de la démocratisation ou encore les « valeurs européennes ». Selon Jacques Rupnick, l’approche de l’Union serait dans un impérialisme du type du soft power défini par Joseph Nye…. C’est à mettre en parallèle avec l’arrêt de l’élargissement de l’OTAN en 2008. Un chapitre spécifique du livre couvre les Balkans, un autre la Méditerranée. D’autres sont consacrés à un pays : l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et la Turquie. Cependant, les politiques de voisinage avec la Russie ou la Biélorussie ne sont pas analysées spécifiquement.


Artisanal Diamond Mining. Perspectives and Challenges

Edited by Koen Vlassenroot & Steve Van Bockstael, Egmont Institute, Brussels, Academia Press, Gent, 2008, 288 pages, ISBN 978-90-382-1351-4
Plus que ceux d’autres matières premières, le trafic des diamants a été utilisé, surtout en Afrique, pour financer des guerres. De plus, l’extraction diamantifère artisanale, minière ou alluviale, dans des zones de non-droit a été systématiquement une régression inhumaine du travail. Le Kimberley Process Certification Scheme (KPCS) signé en 2002, a été édifié pour garantir que le commerce des diamants entre les pays signataire se base sur des diamants vendus légitimement, non entachés par les conflits ou la corruption. Plusieurs villes européennes ont fondé leur prospérité sur le commerce et l’industrie des pierres précieuses tandis que de trop nombreux régimes ou organisations oppositionnelles des pays producteurs ont détourné la rente des matières premières du bien public. Le ralliement massif de la filière diamantaire mondiale au « Processus de Kimberley » marque une prise de conscience de cette dégradation et le rejet dans l’opinion internationale des « diamants du sang. » Malheureusement, il subsiste encore de nombreux exemples de ces exploitations et trafics, ce qui reflètent aussi la diversité complexe de ces petites productions. Certains auteurs décrivent des situations locales ou nationales tandis que d’autres présentent des approches plus théoriques. Cette problématique n’est bien sûr pas abstraite de l’ensemble du développement économique durable et des processus de résolution de conflits et de reconstruction. L’ouvrage, à la présentation élégante, bien utile pour comprendre les enjeux, est dirigé par deux chercheurs belges : l’un est professeur à l’Université de Gand et l’autre attaché à l’Egmont Institute de Bruxelles. Sa publication est soutenue par le ministère fédéral belge des Affaires étrangères et par le département britannique du développement international.



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